Le 10 juillet 2017,

CONTRIBUTION A L’ENQUETE PUBLIQUE RELATIVE AU PROJET D’UNITE DE METHANISATION A EINVILLE AU JARD

Nous avons pris le temps de consulter les documents relatifs à l’enquête publique mise en oeuvre dans le cadre du projet de création de l’unité de méthanisation ‘Méthasânon’.

Nous avons fait la démarche de nous intéresser à ce procédé de méthanisation industrielle très en amont de la naissance de ce projet et force est de constater, que plus nous avons creusé le sujet et plus nous avons découvert des incohérences et compris les enjeux globaux et perfides sous-jacents de ces usines. Nous avons fini par établir que la méthanisation agricole à l’échelle industrielle est une ineptie, une bêtise et qu’elle est source de nuisances et de dangers.

Aussi, nous sommes farouchement opposés à ce projet d’unité de méthanisation. Grain de Sâ est une association qui a pour objet la défense de l’intérêt général, la protection de l’environnement, des sites et des paysages. L’association a également vocation à défendre le vivre ensemble, la préservation et l’amélioration du cadre de vie. Composée d’habitants du Pays Sânon conscients de la richesse de leur territoire et désireux de s’investir pour l’animer et le préserver ; nous avons lancé une pétition contre ce projet, qui recueille à ce jour plus de 200 signataires (149 en ligne1, environ 70 en version papier, la pétition étant toujours d’actualité, elle rencontre de nouveaux signataires tous les jours – https://www.change.org/p/grain-de-s%C3%A2-contre-le-projet-m%C3%A9thas%C3%A2non).

Vous trouverez dans les lignes qui suivent le développement de nos réflexions, de nos interrogations et de nos craintes quant à ce projet et quant à la filière méthanisation agricole en général. Par ailleurs, au fil de nos développements, nous posons un certain nombre de questions (qui attendent réponse) à l’attention des porteurs de projet. Notre contribution est rédigée en 3 parties : un argumentaire sur les points essentiels du dossier visant à montrer les défaillances du projet et les raisons de notre opposition, une partie sous forme de tableau reprenant point par point l’ensemble du dossier et les annexes pour éclairer notre propos.

PARTIE 1 : LES POINTS ESSENTIELS SOUS FORME D’ARGUMENTAIRE

1. Volumétrie à consulter :

L’ensemble des documents représente un développement extrêmement important. Les rédacteurs sont prolixes et généralement précis ce qui est appréciable. On peut cependant, s’interroger, pour tout citoyen travaillant la journée et ayant une vie familiale, d’un délai d’enquête publique limité à un mois qui ne laisse guère la possibilité à la population de s’emparer de la question et de se plonger avec assiduité dans de tels documents techniques. Il est à noter dans tous les documents fournis par le porteur de projets la redondance de certaines informations (ex : capacité journalière) alors que le dossier est beaucoup moins loquace sur certains points (nous y reviendrons). On voudrait décourager les potentiels lecteurs que l’on ne s’y prendrait pas mieux.

2. Absence de concertation et de stratégie territoriale :

Méthasânon regroupe 22 exploitations agricoles dont aucune ne se trouve dans le village d’Einville au Jard ni de Bauzemont qui sont les deux villages les plus impactés par la potentielle installation de cette usine. Il y a donc consommation d’espace agricole pour des utilisateurs qui ne sont mêmes pas exploitants sur les communes concernées, de même les nuisances potentielles du projet ne seront pas subies par les agriculteurs concernés puisqu’ils ne résident pas sur place. Par ailleurs, un permis de construire a d’ores et déjà été délivré pour la construction d’une autre unité de méthanisation sur la commune de Drouville. Et ce, alors même que certains exploitants de Méthasânon exploitent sur Drouville et Maixe, les excréments pourraient donc voyager jusqu’à Einville alors qu’il y aura une autre unité de méthanisation toute proche ! C’est révélateur d’une absence de concertation et de stratégie territoriale. Absence qui se ressent également concernant les questions d’épandage car sur le village de Bathlémont, ce sont bien 3 projets différents qui pourront épandre  « leurs productions » sur le même secteur : les boues de la station d’épuration du Grand Nancy (projet qui rencontre une forte opposition locale), le méthaniseur d’Haraucourt sur Seille et celui de Méthasânon s’il voit le jour. Quid alors des taux de pollution du sol ? Quid d’un plan d’épandage commun ? Les enquêtes publiques respectives de ces 3 projets ne précisent rien pourtant les effets de ces derniers se cumulent et ne peuvent être envisagés indépendamment. C’est même une erreur fondamentale du dossier qui stipule (p.15 du résumé non technique) : « il n’y a pas de projets connus dans un rayon de 3km autour du site ».

Un projet mal accepté localement

Les quelques réunions organisées par les pétitionnaires (et dont la publicité n’a pas été à la hauteur de l’envergure du projet d’usine) l’ont toujours été très en aval de leur projet puisqu’il a été présenté comme déjà acté : subventions votées (ainsi les porteurs de projet ont annoncé avoir déjà obtenus le soutien de banques locales, de la Région, du Feder et de l’Ademe), terrain choisi, bureau d’études recruté. Il n’y a jamais eu aucune concertation avec la population locale à qui on impose une usine sans jamais la consulter et lui demander son avis. De ce fait le projet est largement rejeté par les riverains (les habitants de Bauzemont ont également lancés une pétition et des pancartes pour marquer leur opposition sont disposées un peu partout dans le village) et les usagers de la voie verte, du canal et des chemins environnants.
Certaines informations n’ont jamais pu faire l’objet d’une réponse claire et transparente : prix d’achat du terrain, plan de financement du projet, etc…
Par ailleurs, à maintes reprises nous avons demandé à être étroitement associés à l’évolution du projet (tout en se réservant le droit de le contester) et notamment à son intégration paysagère, il n’en a jamais rien été. Nous avions à cet effet, suggéré aux porteurs de projet de faire appel à l’école d’Horticulture et de Paysage de Roville aux Chênes (section aménagements paysagers). Si cette information a été reprise à leur compte dans la presse, il n’en est plus du tout question dans le présent dossier… L’intégration paysagère est d’ailleurs d’une médiocrité exemplaire, nous y reviendrons au point 3.

Une visite de terrain d’un site de méthanisation a été organisée le 01 juillet 2017, en catastrophe, 2 jours après la parution d’un article dans la presse relayant la grogne locale qui commençait à monter contre le projet. Sauf que, nous demandions cette visite depuis des mois, qu’elle est intervenue tardivement, qu’elle n’a pas bénéficié d’une publicité adéquate (seules les mairies ont reçu le 28 juin pour le 01 juillet une invitation, nous-même n’en avons jamais reçue). Qui plus est le site visité (GAEC du Grand Parc à Bouvron), n’est absolument pas comparable au projet, il s’agit d’une beaucoup plus petite unité (puissance électrique installée : 250 kW) pour une seule exploitation (contre 22 exploitations dans notre cas), de même les méthodes employées ne sont pas les mêmes ! On cherche à rassurer les opposants et à les induire en erreur.

Les porteurs de projet ont ainsi depuis les prémisses de leur projet laissé filtrer des informations sporadiques ou qui n’ont pas été confirmées par la suite, le projet a été découvert trop tardivement à un état avancé par les parties prenantes. De plus, ils ont adapté leurs propos pour que le projet paraissent « vert » et pour convaincre du bien-fondé de leurs intentions aggravant le rejet et le sentiment que nous avons d’être dupés.

Ainsi si le dossier décrète : « la production d’énergie renouvelable peut être assimilée à un projet d’intérêt collectif » (p.3 du résumé non technique et p.64 de l’étude d’impact) encore faut-il le prouver ! Nous avons surtout le sentiment que les intérêts privés de quelques-uns dépassent les intérêts de la collectivité car ce projet largement subventionné par l’argent public ne rapportera aucune taxe aux collectivités locales. En effet, La méthanisation est rendue rentable de façon artificielle à travers différents procédés : l’ajout de culture énergétique fortement méthanogène, des prix d’achats garantis, des exonérations fiscales. Alors même que le projet de méthasanon va artificialiser 3 ha de terres sur la commune d’Einville-au-Jard, cette usine sera exempte de la taxe foncière.

Un projet nuisible et dangereux

Comme l’indique l’avis de l’Autorité Environnementale : « l’activité génère également des effets pouvant impacter de manière négative la santé, le cadre de vie, la sécurité des riverains, la qualité des eaux superficielles et souterraines et l’harmonie du paysage ». Il est pourtant regrettable que la même autorité hiérarchise les enjeux majeurs ainsi : 1) production d’énergie renouvelable, 2) la protection de la santé humaine et la commodité du voisinage, 3) la préservation de la ressource en eau, 4) la prise en compte du paysage et la préservation des milieux naturels. A notre sens, il est discutable que la production d’énergie dite « renouvelable » soit classée comme l’enjeu de premier ordre devant la santé ! Qu’en est-il du principe de précaution ? Par ailleurs, si l’énergie produite l’est à partir de matières qui ne sont pas épuisables, son mode de production consommateurs d’eau et d’intrants, de ressources pétrolières rendent son bilan carbone globalement médiocre.

Bilan carbone incorrect et approximatif :

Quant au bilan carbone fourni, il n’est pas du tout objectif et impartial. Il part du principe que le méthaniseur est en fonctionnement, sans adjoindre les émissions dues aux engins de chantier pendant les travaux, aux émissions des milliers de mètres cubes de béton utilisés, aux émissions de l’acier utilisé pour les armatures, les bardages et la tuyauterie, aux émissions de l’industrie plasturgique pour la fabrication des membranes des gazomètres. Il n’intègre pas non plus les émissions de carbone pour la culture du maïs. C’est certain, partant de là, le bilan carbone ne peut être que positif. Nous demandons donc aux porteurs de projet de détailler précisément la volumétrie et la nature de tous les matériaux de constructions et le volume du remblai apporté, des terres déplacées et prenant en compte la production du maïs, afin de recalculer un bilan carbone objectif et réaliste.

Des odeurs nauséabondes :

Le dossier parle lui-même « d’air vicié » (p9.du dossier non technique) alors qu’à ce jour l’air est « non dégradé » (p19.). Nous déplorons que les porteurs de projets aient choisi de ne pas couvrir le stockage des intrants solides en les protéger par le haut avec des bâches ce qui pourrait contribuer à générer des pollutions de l’air, des nuisances olfactives et augmente sensiblement les risques de lessivage en cas d’intempéries.
Elément à prendre d’autant plus au sérieux que le site présente un risque de remontée de nappe sur sa majeure partie.

Par ailleurs, le dossier prévoit que pour limiter la fermentation aérobie, les matières premières solides organiques seront introduites «rapidement », rien de plus imprécis : « rapidement » dans l’heure, dans la journée, dans la semaine qui suit ? Qui sera chargé de l’effectivité du « rapidement » ? Un point aussi fondamental du fonctionnement doit être clairement établi à l’avance.

Trafic routier :

11 camions par jour susceptibles de traverser (étant donné leur provenance) le village d’Einville au Jard ou celui de Bauzemont avec des chargements de matières odorantes non couverts. Ainsi, les habitants subiront les nuisances olfactives dès le transport.
Rien n’est précisé quant à l’organisation des flux de transport générés par le projet qui n’ont pas été anticipés de manière à diminuer au maximum les nuisances par rapport à la situation existante avant l’implantation du projet.

L’Autorité Environnementale relève que « la structure et la largeur de la voirie communale qui devra supporter un trafic de poids lourds semblent sous-dimensionnées », les porteurs de projet ne semblent pas répondre à cette problématique dans le dossier. Si l’usine voit le jour, qui sera chargé d’adapter la route ? Qu’adviendra-t-il des éléments paysagers présents des 2 côtés (arbres, arbustes, buissons, plantes sauvages) ?

Le point 9.2 du dossier « TRAFIC GENERE PAR L’ACTIVITE » prend le postulat de 250 jours de travail ouvrés alors que le projet est institué pour fonctionner 24h sur 24, 365 jours par an. Ce point du dossier prévoit le passage de 6 véhicules par jour pour l’acheminement des entrants (contre 11 selon l’Autorité Environnementale, à quel chiffre se fier alors ?). Les porteurs de projet, lors d’une réunion d’information, ont indiqué que les entrants se feraient à l’aide de bennes de 25 tonnes. On peut donc imaginer que ces trajets bien optimisés puissent apporter au mieux : 25x6x250=37500t. Or le total de matière traité prévu et indiqué est de 121tx365j=44 165t soit un différentiel de 6 665t soit l’équivalent de 266.6 véhicules supplémentaires. Le trafic routier minimal pour les entrants sera donc d’au moins : 7 véhicules/jour. En outre, les porteurs de projet n’indiquent pas s’ils comptent faire circuler des entrants les dimanches et les jours fériés. De même aucune garantie n’est apportée sur le fait que les transports se feront bien avec des bennes de 25t, très rares chez les agriculteurs partie prenantes du projet. En admettant qu’on soit sur une benne classique 12,5t, voir 15t, le nombre de véhicules journaliers serait doublé et passerait donc plutôt à 14 ! Enfin, qu’en est-il des conditions climatiques : verglas, barrières de dégel, et brouillard, la zone susceptible d’accueillir l’usine étant particulièrement sujette au brouillard plusieurs mois dans l’année. Quels sont les risques encourus pour les autres usagers face à des véhicules lents ? En définitive, l’étude du trafic routier est à reprendre complétement. Il est nécessaire d’apporter des informations et des garanties supplémentaires, d’autant que ce point de vigilance a été spécifiquement et à de nombreuses reprises signalés. Les porteurs de projet se sont toujours réfugiés derrière la réponse que « tous les éléments figureraient dans le dossier de l’enquête publique ». Visiblement, et après une lecture assidue et approfondie, il n’en est rien…

La problématique des travaux :

Le porteur de projet ne mentionne à aucun moment, quel que soit la partie de son étude, étude d’impact, étude de danger, la situation du site et des riverains lors de la période des travaux. Lors de nos échanges avec les porteurs du projet ces derniers nous ont annoncés un délai de travaux d’un an. Compte tenu de l’ampleur du chantier et des cas précédents (par exemple Métha-Vallée route d’Étusson à Argenton-les-Vallées) on peut légitimement imaginer que le chantier durera plus longtemps. Or :
– La phase de nivellement / décaissement et le passage d’engin risque de laisser des traces de boues glissantes sur la chaussée, représentant un risque pour les usagers.
– Le bruit des machines (sirènes de recul, moteurs, bruits de percussions, etc..) sera également d’après nos tests, parfaitement audibles pour les riverains. Là aussi, le dossier du porteur est totalement muet à ce sujet
– Les allers et venues et le trafic des engins de chantier ne sont pas mentionnées dans le trafic induit par le projet, ni les nuisances qui peuvent en résulter.
– La phase de travaux est une phase particulièrement dangereuse pour laquelle le porteur de projet ne précise pas les dispositions particulières qu’il va prendre (cf annexe n°7 et 8)
– Quid de la circulation routière des usagers lors de la réalisation des tranchées de raccordement, d’eau, d’électricité et de gaz ? Là encore, les usagers et les riverains pourraient subir d’importants désagréments. Le dossier est muet à ce sujet.

Une rentabilité inférieure aux prévisions pouvant influer sur le fonctionnement de l’installation

La très grande majorité des usines de méthanisation rencontrent des aléas quant au business plan initial. Pire, 60% ont une forte rentabilité inférieure (cf annexe n°5). Les porteurs de projet ne maîtrisent qu’une partie de la chaîne de fonctionnement. Ils sont conseillés par des fabricants et des promoteurs, qui peuvent être tentés de gonfler les chiffres de rentabilité afin de vendre leurs équipements. Comment les porteurs de projet pensent éviter une rentabilité inférieure aux prévisions ? Nous demandons à ce que le business plan du projet soit rendu public.

Aujourd’hui, le projet prévoit d’utiliser de l’ensilage de maïs, mais quelles garanties avons-nous dans le temps ? Qu’adviendra-t-il en cas de mauvaises récoltes, d’arrêt des subventions de la PAC à ces cultures ? Par le passé, d’autres usines de méthanisation ont modifié leur alimentation avec des ordures ménagères, des graisses alimentaires ou des boues de station d’épuration. De même les fumiers sont faiblement méthanogènes. Quelles garanties avons-nous que cette unité ne remplacera pas purement et simplement ces fumiers par d’autres matières premières ? Les ordures ménagères, les boues de station d’épuration sont souvent riches en métaux lourds. Ces molécules se retrouvent à terme dans notre environnement et sont sources de graves pollutions et de risques pour la santé.

Nous remarquons que les 22 agriculteurs n’investissent pas à égale hauteur dans le projet, il est clairement soutenus par 4 porteurs de projet qui investissent à plus de 7% (et jusqu’à 12%). Il est alors légitime de se demander qu’adviendra-t-il si l’un d’eux se retire ? Comment fonctionnera l’usine avec quels apports ? De même si de nombreux petits investisseurs n’ont plus la solidité financière pour participer ?

Des dangers importants, un risque technologique élevé :

– Risque d’incendie,
– Risque d’explosion,
– Risque d’intoxication au H2S,
– Suppression ou dépression interne (rupture de l’installation),
– Risque d’anoxie (manque d’O2 dans l’air par les gaz anoxiant : méthane et Co2),
– Risque de pollution des sols et des eaux associé à une rupture de l’enceinte,
– Débordement du méthaniseur,
– etc,…
La liste est longue et la question qui nous inquiète compte-tenu du fait que les accidents et incidents sont principalement dû à des dysfonctionnements de matériels ou à des erreurs humaines, nous aimerions savoir qui interviendra dans l’usine (toutes les personnes chargées de venir déposer des matières ? Seulement quelques personnes habilitées ? Comment seront filtrées les entrées? Qu’appelle-t-on le personnel (les agriculteurs ?)? Est-il recruté, si oui comment ? Un organisme extérieur et indépendant interviendra-t-il pour les questions de sécurité (pour les vérifications périodiques et la maintenance du site) ou cela se fera uniquement en interne ? La population locale sera-t-elle formée également ?

Par ailleurs, l’étude de danger étudie les potentiels dangers pouvant provenir de la route, de la voie fluviale et des airs mais ne semblent pas étudier l’inverse et donc le plus pertinent : les risques encourus pour les usagers de la route, du chemin et de la voie verte. Que se passera-t-il si une voiture passe à 10m en pleine explosion ?

La présence humaine autour du site ne se résume pas à Bauzemont et Einville, qu’en est-il de la pollution de l’air pour les usagers de la voie verte très empruntée surtout au printemps et l’été ? Le dossier commet une erreur en oubliant qu’il n’y a pas que les sites habités qui font l’objet d’une présence humaine.

Des précédents inquiétants dans d’autres usines :

Nous sommes d’autant plus inquiets que des usines de méthanisation sont déjà exploitées en France et nombreuses sont celles qui rencontrent des difficultés (notamment les plus grosses installations) : odeurs nauséabondes (Marnay), explosions (incident technique à la société Valdis qui a entraîné une déchirure partielle de la membrane du post-digesteur), problèmes d’étanchéité, fuite des cuves (usine d’Issé en 2017), difficultés financières incitant à nourrir le méthanisateur avec d’autres ressources (plus de maïs, boues d’épurations, déchets ménagers,…).

3. Un impact paysager et environnemental énorme :

Une usine dans une campagne préservée

L’usine est prévue pour traiter tous les jours 120t de fumier. Elle engendrera la construction de 3 cuves de 44m de diamètres et de 8 mètres de haut, ainsi que celle d’un bâtiment de stockage de 80m de long sur 11 mètres de haut, et encore d’autres bâtiments (bureaux, compresseurs, etc…), le tout sortant de terre sur un site de 3 ha, vierge de toute construction et situé en pleine rase campagne, dans un paysage bucolique du lunévillois (et visible depuis la voie verte longeant le canal, lieu de passage touristique et paysage tout aussi préservé).
Il n’y a pas de bâti agricole et industriel existant, le projet dénaturera complètement le paysage, il y aura une rupture totale des continuités paysagères. Par ailleurs, le village de Bauzemont qui présente le seul château du territoire du Sânon (vestiges médiévaux et admirable château du XVIIIe) surplombe le site choisi pour l’implantation. Intéressés par l’histoire locale et défenseurs des lieux de mémoire, nous déplorons que le projet se situe à proximité. Pourtant, le dossier ne comporte aucune vues depuis le village de Bauzemont et depuis la voie verte qui sont les panoramas les plus affectés par l’installation de l’usine. De même, les élévations projetées, les profils et plans de situation sont extrêmes petits et faussent ainsi la perception de l’envergure du projet et ne sont jamais représentés de manière à se rendre compte de la qualité paysagère avoisinante (on ne voit jamais le canal en contre-bas, on ne voit jamais Bauzemont au loin sur la colline). Pourtant sur place ces vues sont immanquables, en témoignent les clichés ci-dessous pris au mois de juin 2017.

– Vue sur le site choisi depuis la voie verte.

-Le site d’implantation avec en contre-bas le Canal

Panoramique implantation site Méthasânon usine

– Vue sur la colline de Bauzemont depuis le site.


– Vues depuis l’entrée de Bauzemont le long de la RD2. Cette photo permet de prendre la mesure de la qualité paysagère du site et de la présence de trames vertes et des corridors écologiques.

campagne Einville au Jard - Bauzemont paysage préservé bocages

En terme de surface, ce projet représente l’équivalent du Cora de Lunéville (bâtiment et une partie du parking), cela n’a rien d’anodin.


– Cora Lunéville sur google map.

Cet impact paysager sera d’autant plus marqué que, comme déjà développé précédemment, le site ne bénéficie d’aucun effort d’intégration paysagère et contrairement à ce qui est avancé le projet « [ne] s’intègre [pas] bien dans son environnement grâce au choix des couleurs employées ». Ainsi le projet :
– ne prévoit pas de bardage bois (bois des Vosges, nettement plus écologique et mieux à même de se fondre dans un paysage naturel) mais un bardage blanc en PVC, anthracite ou gris foncé pour les menuiseries extérieures!
– préconise des couleurs qui ne sont absolument pas locales et jurent totalement avec la trame paysagère : finitions et maçonneries gris clair et blanches, toiture terrasse foncée au lieu de tuiles couleur terre cuite.
– Des cuves et silos en béton brut.
Les principales couleurs choisies sont donc le blanc et toute une palette de gris ; nous avons vraiment du mal à comprendre ce qui a pu motiver une si piètre intégration du bâti dans le décor environnant. De plus, le projet n’a pas cherché à s’adapter à la pente naturelle du terrain. Comme si tout ce qu’il fallait éviter se concentrait dans un seul projet.

Source : Mémento intégration paysagère des bâtiments – Parc naturel régional des Monts d’Ardèche Intégration végétale

Nous avons exprimés à plusieurs reprises aux porteurs de projet notre souhait que le grillage soit dissimulé par une haie végétale. Nous découvrons avec un profond agacement, que non seulement le grillage est prévu devant la haie (ce qui ne présente aucun intérêt), mais qu’en plus, le site n’est pas totalement pourvu de haies tout autour de son enceinte. De même nous avions demandées des haies composées de différentes strates : herbacées, arbustives et arborées, il n’en est rien (il est simplement fait mention d’« un écran végétal d’arbustes »). Nous avions également signalé de veiller à la diversité des essences employées, tout en privilégiant fortement les essences locales. Enfin, nous avions demandés que pour une meilleure intégration, la plantation linéaire monotone et régulière soit évitée, ce n’est pas réellement prévu en l’état. Nous proposions également des plantations intermédiaires autour d’autres parcelles et en amont du site afin de créer une ambiance paysagère cohérente avec le reste du paysage pour faciliter et augmenter l’intégration paysagère du site, il n’en est rien. Ce point, capital est traité en deux lignes, sans aucune précision.

Malgré le gigantisme du projet d’usine dans un site naturel que les coupes tendent à vouloir minimiser, la question du paysage a été complètement négligée, pourtant c’est un impact réel sur le cadre de vie des riverains et des usagers, impact permanent et irrémédiable. Et cette négligence va à l’encontre de l’orientation « préservation des paysages naturels » du SCOT Sud 54.

Rupture de la trame verte

Bauzemont est typique des villages du territoire du Sânon qui ont su conserver des haies, des buissons, des arbres et des bocages (qui ont eu tendance à être éradiqués partout où l’agriculture intensive et les grosses exploitations se sont installées, unifiant la nature en un paysage monocorde éliminant les réseaux de trame verte dont on découvre tous les bienfaits pour le maintien de la biodiversité). Si c’est principalement le cas en contrebas du site, le long du Canal et du ruisseau et si l’on peut s’interroger dès lors sur les effets d’une éventuelle pollution sur ces milieux ; c’est également le cas le long de la RD2. Or, durant la phase travaux pour le raccordement, que deviendront ses éléments naturels qui longent le bord de la route ? La canalisation de gaz sera-t-elle enterrée telle quelle sans que les racines puissent poser problèmes ? Il faudra bien tirer une conduite… Les porteurs de projet n’en font pas mention dans leur dossier.

Le digestat : au pire un risque élevé de pollution des nappes phréatiques, de l’eau, des sols et de l’air, au mieux un appauvrissement des sols

Il est à noter que des questions se posent sur les formes azotées du digestat. À priori, l’azote sortant du méthaniseur dans le substrat est certes minéralisé, donc plus facilement assimilable, mais moins stable que l’azote entrant ; le NH4+ sortant est beaucoup plus lessivable. Quant à l’azote ammoniacal, très volatile, il est présent en proportion plus importante à la sortie du méthaniseur (environ 75% de l’azote du substrat). Ce qui implique nécessairement à l’épandage la nécessité de matériels spécifiques permettant d’enfouir le digestat. Car si l’enfouissement est mal maîtrisé cela peut augmenter fortement la pollution de l’air. Au moment de l’épandage, les pertes par volatilisation du protoxyde d’azote peuvent supprimer les 60% de réduction de l’effet de serre obtenu par l’utilisation du biogaz en remplacement du carbone fossile. En outre l’ammoniac volatilisé favorise les pluies acides et forme aussi des particules fines de nitrates et de sulfates d’ammonium.

Pour rappel, la région Lorraine est l’une des premières régions en terme de pollution de l’air et notamment au méthane (cf Annexe n°6). Quelles garanties les porteurs de projet apportent-ils quant à la certitude de ne pas polluer de façon supplémentaire l’air via l’utilisation d’azote ammoniacal ?

A l’issue de la méthanisation, l’azote sera donc principalement sous forme minérale (45-75 % d’ammonium) rapidement exploitable par les végétaux. Les 25 – 55 % restants prendront la forme organique. D’après Joseph ORSZÁGH, chercheur à l’Université de Mons-Hainaut, la valeur fertilisante du digestat de biométhane provient précisément de la présence de nitrate d’ammonium. Une fois introduit dans le sol, ce composé ionique fonctionne comme un engrais chimique : il accélère la combustion naturelle de l’humus. Mais le digestat qualifié «d’amendement agricole organique» détruit la structure du sol au lieu de l’améliorer, sans parler de la pollution par les nitrates. Avec le digestat de biométhane, on augmente temporairement les rendements agricoles, au prix d’une dégradation grave de la structure du sol.

Calculé sur base de la quantité d’énergie produite par kg de matière organique détruite, le rendement de la biométhanisation est très faible. Dans le contexte actuel de délabrement de nos terres agricoles, afin de restaurer la teneur en humus, la totalité de la biomasse végétale animale et humaine doivent être mobilisées pour entrer dans des filières de compostage aérobie.

Le noeud du problème réside dans l’hypothèse de base de l’agriculture chimique : l’importance exclusive accordée aux nutriments N-P-K (Azote-Phosphore-Potassium) à introduire dans le sol. Dans ce contexte, on ignore tout de la vie du sol, de sa biodiversité et des relations symbiotiques qui existent entre les plantes et la faune qui vit dans le sol.

Par ailleurs, citons Claude et Lydie Bourguignon, microbiologistes des sols, internationalement reconnus qui interrogés à propos du digestat : – La méthanisation est un procédé anaérobique accomplit par les bactéries anaérobiques qui ne sont pas bénéfiques pour le sol car celui-ci est un milieu aéré occupés par des germes aérobies.
– La méthanisation dégage du méthane, donc du carbone et produit un composé trop riche en azote pour donner de l’humus. Ce procédé abouti à un appauvrissement des sols en matière organique or ceux-ci sont déjà très appauvris par les engrais azotés. La méthanisation va donc empirer le problème.
-Compte tenu de la nature du digestat, de sa volatilité et de sa capacité à être lessivé par les eaux de ruissellement, il n’est pas souhaitable d’utiliser et d’épandre le digestat car il conduira à terme à un appauvrissement des sols, à la pollution de l’air et à la pollution de l’eau.

Erreur fréquente : la méthanisation ne résout pas la problématique agricole liée aux apports en nitrate

Le premier objectif affiché pour justifier le développement de la filière de méthanisation est une meilleure gestion des nitrates et donc une diminution de la pollution de l’eau par ceux-ci. En effet, l’azote est source de pollution : par lessivage dans l’eau et par émission dans l’air de gaz tels le protoxyde d’azote et l’ammoniac. Cependant, cet objectif affiché est d’abord une erreur fondamentale dans la présentation de la méthanisation car elle n’est pas à elle seule un procédé technique permettant d’atteindre cette ambition. A l’évidence, le méthane (CH4) qui est le produit final gazeux de la méthanisation ne contient pas d’azote (N2). La quantité d’azote entrante dans le méthaniseur ressort donc en volume égal du processus de méthanisation dans le digestat solide et liquide (mais en proportion sous formes différentes). Il n’y a donc pas de réflexion sur la diminution en intrants azotés (cf. Note méthanisation, confédération paysanne, 2013 (annexe 2))

3. Un dérèglement de la pratique agricole :

Parce que ce projet doit être replacé dans un contexte global au sein duquel il perturbe complétement la pratique agricole et transforme les agriculteurs en entrepreneurs avides de profits.

Le projet fait flamber le prix des terres agricoles :

Le chiffre (non officiel) qui circule concernant le prix de vente du terrain est de 120 000€ les 3ha soit 8.5x le prix normal de la terre agricole (selon le référentiel SAFER), la spéculation commence… Le prix moyen de la terre est de 4 010 €/ha en Meurthe et Moselle. Cette survalorisation risque à terme d’être préjudiciable aux agriculteurs alentours puisque inévitablement, les propriétaires risquent de surcoter leur terrain. La rentabilité artificielle de la méthanisation attire également des capitaux industriels et place le ticket d’achat de la terre hors de portée de l’exploitant local. C’est ainsi qu’en Allemagne, certains exploitants ne parviennent plus à accéder aux terres dont ils auraient besoin, que ce soit en achat ou en location sans parler de la situation d’un jeune agriculteur en démarche d’installation pour qui l’achat de terre sera tout bonnement inenvisageable. Si le prix des terres augmente, la rentabilité des exploitations diminue. Ce cercle vicieux vient donc ajouter un risque supplémentaire à la pérennité des plus petites exploitations et/ou des installations.

Un détournement des terres :

La loi de transition énergétique autorisant jusqu’à 15% d’apports de culture énergétique ; ce sont environ 200ha de maïs (fortement méthanogène) qui devront être cultivés chaque année pour être incorporés directement dans le digesteur (car le lisier et le fumier seuls ne permettent pas de produire un gaz intéressant) et non pour nourrir des hommes ou des animaux.

Un accaparement des terres généralisé :

Pour exemple, la surface des cultures dédiées à la méthanisation en Allemagne s’élève à près de 800 000 ha (essentiellement maïs) soit près de 4,8 % de la SAU5 totale ! (SAU allemagne 2010 = 16,7 millions d’ha), ajouté au maïs importé de l’est de l’Europe pour nourrir directement les méthaniseurs. Dans notre cas les porteurs de projet prévoient de recourir à 14% environ de cultures énergétiques, comme les y autorisent la loi de transition énergétique. Cela représenterait donc d’après les porteurs de projet entre 135 et 200ha de maïs ensilage. En admettant que ce chiffre soit réaliste et représentatif, et par extrapolation, cela veut dire que lorsque les 1500 méthaniseurs seront en place, il y a aura donc entre : 1 500x135 à 1 500x200 soit entre 202 500ha et 300 000ha de terres agricoles accaparées uniquement pour la production de gaz. Pour rappel, la superficie totale de la Meurthe et Moselle est de 524 600ha. Les cultures énergétiques de méthanisation françaises pourraient donc représenter plus de la moitié de la surface totale de notre département ! Comment la vocation de l’agriculture, qui est de nourrir les hommes peut-elle être dévoyée à ce point tandis que près de 795 millions d’êtres humains (source : FAO 2015) meurent de faim ?

Une aggravation de la crise laitière :

De plus, comme l’activité de méthanisation est artificiellement rentable (culture énergétique, défiscalisation, prix d’achat du gaz garanti, subventions pour énergie dite « renouvelable »), elle aggrave la crise laitière et met en péril le maintien d’une agriculture rurale et familiale de qualité. En effet, seules les plus grosses exploitations et les industriels de l’énergie ont la capacité d’investir massivement dans la filière méthanisation. Les revenus énergétiques devenant rapidement supérieurs aux revenus laitiers, les exploitations peuvent vendre à perte leur lait et contribuent de fait à déstabiliser plus encore une filière déjà malmenée. Le cas de la ferme des 1 000 vaches est le pur exemple de ce phénomène où un industriel exploite l’énergie au détriment du lait. Les agriculteurs deviennent des producteurs d’énergie et recherchent le profit au détriment de leur activité nourricière.

Indépendance énergétique

Il est régulièrement avancé comme argument de la part des porteurs de projet que la méthanisation contribue à l’indépendance énergétique de notre pays. Regardons cela de plus près : En France, le gaz naturel représente 15% du bilan énergétique national ( 41 Mtep sur un total de 274 Mtep en 2008 après correction climatique) – annexe 6 :Le gaz naturel en France – Ministère de l’environnement – http://www.developpement-durable.gouv.fr/Le-gaz-naturel-en-France,10627.html  . Depuis 1973, la consommation de gaz a crû plus rapidement (3,6% en moyenne annuelle) que celle des autres énergies (1,1%). Sa part dans le bilan énergétique national a donc pratiquement doublé entre 1973 et 2008 passant de 7,4% à 15%. Les secteurs consommateurs de gaz naturel sont le secteur résidentiel (39%), l’industrie (38%), le secteur tertiaire (16%), le secteur de l’énergie (8%) et enfin celui de l’agriculture (1%).
Contrairement à une idée reçue répandue : notre gaz naturel est principalement importé dans le cadre de contrats de long terme et notre gaz est loin d’être uniquement Russe (31% Norvège, 18% Pays-Bas, 16% Algérie, 15% Russie), et par des achats épisodiques (Nigéria, Qatar, …) ou directs par les clients éligibles, le reste (moins de 2%) provient de la production nationale et principalement du gisement de Lacq presque épuisé à ce jour.

Prenons le nombre de ménage en France qui était en 2012 de 27 567 9142. Admettons que l’objectif de 1 000 méthaniseurs soit atteint et que chaque projet ait une capacité de production de gaz de 700 foyers (ce qui est la capacité du projet Méthasanon – dans la réalité de nombreux projets seront plus petits, le résultat final est donc surévalué volontairement). La totalité des méthaniseurs pourrait donc fournir la consommation de 700 000 foyers. Il y a en France 27 567 914 foyers pour une consommation énergétique totale de 274 Mtep. Les 700 000 foyers représenteraient donc 700 000 x 274 /27 567 914 c’est à dire : 6.96Mtep soit 2.5% de la consommation énergétique globale. La méthanisation ne changera donc rien à notre indépendance énergétique. En revanche, elle apportera 1 000 usines supplémentaires potentiellement dangereuses pour les populations et pour l’environnement. Beaucoup de bruit pour rien…
Quid des contrôles et de la surveillance de cette multitude de sites à risque ? Enfin, alors que les technologies des méthaniseurs sont allemandes, autrichiennes ou hollandaises, nous nous plaçons, qui plus est, sous une dépendance technique et technologique étrangère.

 

CONCLUSION :
Le projet Methasanon est une aberration écologique. Nous tirons la sonnette d’alarme : pour être de vrais outils de la transition énergétique, les méthaniseurs doivent être envisagés à l’échelle de la ferme, de petite taille, destiné à accueillir uniquement les effluents produits directement sur place. Ils ne sauraient devenir des énormes usines dangereuses, odorantes, consommatrices de denrées agricoles détournées de leur utilisation !! Aussi, la seule alternative que nous soumettons aux porteurs de projet est de revoir leur projet pour le redimensionner individuellement à leurs exploitations et ainsi retraiter au plus près de leur site de production leurs effluents. Leur bilan carbone et leur impact environnemental s’en trouveront sensiblement améliorés, l’opposition locale sera certainement apaisée. C’est la seule solution durable.