Le territoire du Sânon est  concerné par le projet d’épandage de boues issues des stations d’épuration de la Métropole Grand Nancy. Le dossier est téléchargeable ici et vous êtes invités à vous prononcer dans le cadre d’une enquête publique jusqu’au 1er mars 2017 inclus :
– sur le registre disponibles à la mairie d’Einville au Jard aux jours et heures habituels d’ouverture au public ;
– par mail à l’adresse suivante : enquetestationmgn@gmail.com
– directement auprès du ou des membres de la commission d’enquête, oralement et/ou par écrit, lors de la permanence qui se tiendra à Einville au Jard le 10 février de 17 à 19h.

source : photo site Grand Nancy


Fortement opposés à ce projet, veuillez trouver retranscrite ci-dessous notre contribution au titre de l’association à l’enquête publique qui reprend de manière détaillée les raisons de nos inquiétudes :

« Madame, Monsieur,

Nous avons pris le temps de consulter les documents relatifs à l’enquête publique mise en œuvre dans le cadre de l’épandage des boues d’épuration de la station d’épuration du Grand Nancy. Vous trouverez dans les lignes qui suivent le développement de nos interrogations et de nos craintes quant à cette nouvelle phase d’épandage. Pour faciliter la lecture et l’organisation du document, les différents points abordés seront numérotés.

  • 1. Volumétrie à consulter.

L’ensemble des documents représente un développement de près de 1581 pages. Les rédacteurs sont prolixes et précis ce qui est appréciable. On peut cependant, s’interroger, en tant que citoyens, travaillant la journée et s’occupant de leur famille le soir d’un délai d’enquête publique limité à un mois qui ne laisse guère la possibilité à la population de s’emparer de la question et de se plonger pleinement dans de tels documents techniques. Cette méthode est-elle vraiment conforme à l’obligation d’information du citoyen ? Permettez-nous d’en douter.

  • 2. Absence d’indication de la répartition par commune.

Malgré la quantité de documents fournis, nous relevons des manques importants. Le rédacteur a en effet omis d’indiquer la répartition par commune des épandages prévisionnels. Cela nous parait pourtant être une donnée de première importance et qui permettrait d’apporter des repères quant aux désagréments réels que pourraient subir les communes concernées. Cela permettrait également d’estimer les volumes de boues entreposées sur les sites de stockage.

  • 3. Absence de chiffres récents.

Nous relevons également que tous les chiffres d’analyse sont donnés pour des boues de 2010 à 2014. Il manque donc 2015 et 2016, les années les plus récentes et dès lors les plus à même de représenter la réalité du produit qui sera épandu. Ce simple manque rend à nos yeux caduques toutes les expertises citées et mentionnées et cela amène à se poser différentes questions :
– Est-ce que les boues de 2015 et 2016 sont conformes aux normes en vigueur ?
– Cherche-t-on à nous cacher la teneur réelle des boues qui pourraient être épandues ?
– Que valent ces études alors même que les techniciens et ingénieurs en charge de leur rédaction ne s’expliquent pas sur le manque incompréhensible de ces informations ?
Face à ce constat, toute la confiance minimale nécessaire au projet disparait et afin de disposer de l’ensemble des éléments permettant de nous éclairer véritablement sur celui-ci ; nous demandons à obtenir les chiffres 2015 et 2016 et à connaitre la raison de leur absence dans les pièces présentées.

  • 4. Inadéquation des sites de stockage.

Il existe pour l’heure 3 sites de stockage dont deux sur le territoire du Sanon : Bures et Bathelémont. Le Grand Nancy prévoit en outre la construction de deux nouveaux centres de stockage. Il est indiqué dans l’étude d’impact que « Enfin, en ce qui concerne les stockages, ils ont lieu sur des sites appropriés et ne contiennent que les quantités destinées à être épandues sur la ou les parcelles les plus proches. ». Or 136 communes sont concernées et les sites de Bures et de Bathelémont sont distants seulement de 1600 mètres, cette affirmation est donc totalement infondée. Le stockage se fait seulement sur 3 points dont deux sont très rapprochés. Cela induit 2 problématiques :

  • certaines zones encourent tous les risques liés au stockage (odeur, écoulement, pollution des sols et de l’eau,…). Alors qu’au même endroit, en 2013, des boues liquides se sont écoulées des sites de stockage et ont ruisselé sur les parcelles et sur la route. Quid dès lors de leur caractère approprié ?
  • le transport de ces boues vers leurs zones d’épandage (nuisances de trafic, nuisances odorantes,…) puisqu’elles ne sont en réalité pas stockées à proximité.
  • 5. La couverture des sites de stockage.

Les deux sites de Bures et de Bathelémont ne sont pas couverts et permettent aux boues de se réhydrater fortement voire de devenir liquide (comme en 2013). Les deux nouveaux sites sont annoncés comme étant couverts. Nous demandons par équité de traitement et afin d’éviter que les accidents de 2013 ne se reproduisent que les sites de Bures et Bathelémont soient couverts également et ce, en tenant compte de l’impact paysager afin de s’intégrer au mieux dans l’environnement local.

  • 6. Le choix du territoire.

On peut enfin légitimement s’interroger sur les démarches entreprises par le Grand Nancy pour épandre sur son propre territoire cet élément fertilisant. Le dossier de l’enquête ne fait aucune mention des démarches effectuées auprès des exploitations agricoles présentes  sur le grand Nancy et à proximité. Encore moins des refus éventuellement obtenus de la part des exploitants agricoles du Grand Nancy. La logique et la loi (sur les déchets) imposent pourtant que le producteur élimine les déchets produits à proximité immédiate du lieu de la production en limitant le transport.

Ainsi l’article L541-1 4° du code de l’environnement stipule : « [Les dispositions du présent chapitre et de l’article L. 125-1 ont pour objet ]D’organiser le transport des déchets et de le limiter en distance et en volume selon un principe de proximité ;

Le principe de proximité mentionné au 4° consiste à assurer la prévention et la gestion des déchets de manière aussi proche que possible de leur lieu de production et permet de répondre aux enjeux environnementaux tout en contribuant au développement de filières professionnelles locales et pérennes. »

Cette ignorance totale de la loi ajoute une irrégularité à ce travail préalable.

Par ailleurs, la moindre des choses lorsque l’on projette de déposer ses déchets chez les autres c’est de les en tenir informés. Le manque d’ambition du Grand Nancy quant à la nécessité d’informer la population concernée par ces épandages est flagrant (et nous y revenons point 10) : simple affichage et permanences courtes, pas de réunion publique. Il suffit de ne pas passer devant le panneau d’affichage et personne ne serait au courant.

Concernant la commodité du voisinage, on parle d’absence de livraison et d’épandage les samedis, dimanches et jours fériés, les habitants pouvant être joyeusement incommodés le reste de la semaine. C’est réellement se méprendre sur la vie de ces communes, des petits commerçants, artisans, des écoles et de tous ceux qui travaillent ou restent chez eux en dehors des week-ends et des jours fériés. On a rarement vu plus mauvaise prise en compte des nuisances. D’autant que l’épandage est principalement prévu pendant l’été : 40 jours sur 60 au total. La période estivale qui est celle où les riverains sont le plus souvent chez eux et profitent de leur accès à l’extérieur sera la plus touchée. Cette restriction n’aura donc aucun impact positif et relève de la mesure faussement compensatrice.

Par ailleurs, la distance de 100 mètres seulement des habitations compte-tenu des vents ne nous semble garantir aucunement l’absence de nuisances olfactives. Une des grandes parcelles visées se trouve à 100 mètres du collège, les enfants auront donc tout le loisir de profiter de l’odeur nauséabonde en semaine. Quid en sus de la mare pédagogique et des vergers, jardins familiaux en contrebas en cas de lessivage ?

Nous lisons avec horreur dans l’étude d’impact que des dépôts temporaires pourront être effectués en zone de captage d’eau (dans les périmètres de protection éloignée :  ce secteur correspond généralement à la zone d’alimentation du point de captage, voire à l’ensemble du bassin versant ) et sur des ressources majeures « Lorsque la classe d’aptitude à l’épandage le permet, les boues sont déposées temporairement en périmètre éloigné de protection de captage préférentiellement en période de déficit hydrique et sur une courte durée (48 h). […] Une ressource majeure est un aquifère à fort intérêt stratégique pour les besoins en eau actuels et futurs. Le dépôt temporaire sur ces parcelles n’excèdera pas 48 h. ». Ces ressources en eau sont primordiales, en 48h elles peuvent être polluées, qui viendra vérifier que ces dépôts sont réellement temporaires et qu’il n’y a pas eu d’infiltration ?

La campagne ne peut devenir la poubelle de la ville. Elle reste le poumon et le garde-manger des urbains, sa population a souvent fait le choix d’un cadre de vie plus sain, d’une tranquillité, il ne lui appartient pas de subir les désagréments liés à des déchets qu’elle n’a pas créé ! Son sol et ses ressources en eau doivent être préservés.

  • 7. Le risque potentiel sur la santé et l’environnement.

L’article L541-1 3° du code de  l’environnement stipule : « la gestion des déchets se fait sans mettre en danger la santé humaine et sans nuire à l’environnement, notamment sans créer de risque pour l’eau, l’air, le sol, la faune ou la flore, sans provoquer de nuisances sonores ou olfactives et sans porter atteinte aux paysages et aux sites présentant un intérêt particulier.

Or, en 2006, des boues de la station de Strasbourg contaminées au pyralène ont été épandues pendant plusieurs mois en connaissance de cause. Cela fait courir un risque sur les écosystèmes et sur les riverains dont les conséquences sont encore mal connues en l’état actuel des connaissances scientifiques. Dans le cas du Grand Nancy qui a la particularité de traiter les eaux d’égouts et pluviales, le producteur ne peut donc garantir l’origine des matières ni leur contenu en terme de molécules chimiques. Le principe de précaution et les précédents subis avec les boues alsaciennes doivent conduire à l’interdiction de la diffusion de telles substances, encore plus sur des cultures destinées à l’alimentation du bétail et des hommes.

En outre, le Sânon, ce cours d’eau emblématique de notre territoire abrite de nombreuses espèces d’oiseaux, de poissons et de mammifères. Nous craignons fortement le lessivage des boues et leur déversement dans les zones naturelles humides du secteur, sachant que la limite d’épandage est à 35 mètres, seulement, des cours d’eau !

Pour toutes ces raisons, nous demandons que les boues ne soient pas épandues mais enfouies en centre de déchets ultimes.

Afin de limiter le risque de prolifération de pathogènes potentiellement dangereux dans l’environnement, il est indiqué que l’enfouissement est réalisé « dans les plus brefs délais après leur épandage ». En l’absence de précision (pas de quantification précise, simplement une vague recommandation de 48h lorsque cela est possible) sur ce délai raisonnable et de personnes qualifiées à même de vérifier la réalité de cette mesure, qu’en est-il du risque sanitaire ?

  • 8. Mesures de suivi, personnes qualifiées et sanctions.

Le projet prévoit d’épandre des boues hautement polluantes et potentiellement pathogènes mais aucune indication quant au suivi des agriculteurs, à la formation. Aucune indication face à leurs engagements : que se passera-t-il, s’ils n’enfouissent pas assez rapidement, pas la bonne quantité, pas au bon moment (en cas de pluies importantes ou de grand vent par exemple) ? Des sanctions pourront-elles être appliquées en cas de non-respect ? Dans le cas contraire qui peut nous garantir que le plan d’épandage sera conforme et que notre environnement sera respecté ? L’auto-surveillance des sites ne nous paraît pas suffisante, une autorité indépendante doit être en mesure de vérifier le déroulement de ce projet.

  • 9. Multiplication des sources de pollution.

Notre territoire subit déjà le projet d’implantation d’une usine de méthanisation (sur le territoire d’Einville au Jard à proximité de la commune de Bauzemont sur un terrain jouxtant une parcelle prévue pour l’épandage des boues du Grand Nancy) avec un approvisionnement en matières premières de 45.000 tonnes par an. Matières qui seront ensuite également épandues sur le même secteur ! Pourtant le projet présenté n’en fait pas mention et n’en tient absolument  pas compte pour ses mesures. De même, l’étude du trafic routier ne prend pas en considération la potentielle usine de méthanisation qui suppose déjà un important va et vient de camions.

Ainsi, l’épandage recouvre une autre problématique : l’accumulation de polluants. En partant du postulat (non démontré à ce jour) que les teneurs en produits chimiques et métaux lourds contenues dans les boues sont conformes aux taux en vigueur. Rien n’indique qu’un épandage répété sur plusieurs années sur des surfaces limitées et elles-mêmes soumises à d’autres pollutions (engrais des années précédentes, traitements phytosanitaires, digestat du méthaniseur s’il voit le jour) ne fassent pas largement passer le niveau autorisé. C’est le cocktail assuré ! Aucune étude sur le long terme ne propose d’identifier les conséquences sur les sols, les écosystèmes, les ressources en eau.

De plus, la Communauté Urbaine de Strasbourg, continue également à faire épandre ses boues sur nos territoires. Les documents fournis ne font pas mention de cette pratique et de la multiplication des sources de boues. Nous demandons de tenir compte de ce double approvisionnement dans les épandages et les stockages et de préciser ce que cela peut engendrer sur cette étude.

  • 10. La justification sociale.

L’étude d’impact mentionne que le choix de la valorisation agricole des boues est due :
« La base de cette valorisation réside avant tout dans la motivation des agriculteurs d’intégrer l’apport de boues dans leur programme de fertilisation des cultures et d’accepter les contraintes inhérentes à ces pratiques : »
A cela nous opposons que les agriculteurs sont principalement et financièrement intéressés à ce programme car ils limitent leurs achats d’engrais azotés. Leur vision n’est pas objective ni désintéressée. Il semble pour aller dans le même sens que les agriculteurs ne seront pas rémunérés mais pourront être « engagés » comme prestataires pour épandre les boues s’ils ont le matériel nécessaire et ce en échange d’une rétribution. Cela n’est-il-pas une façon cachée de les rémunérer et dès lors pose la question de la réelle motivation des exploitants agricoles…

« L’acceptabilité sociale de la filière actuelle est un des éléments permettant de justifier le choix du projet. »
Aucune étude sociologique, ni aucune enquête d’opinion ne vient étayer cette affirmation qui n’engage que son auteur. C’est à notre sens, un manque évident de ce projet sur lequel, seul le volet technique et réglementaire a été pris en compte, sans concertation avec la population et sans débat public. Nous demandons que soit organisé, aux frais du producteur, des sessions d’information et de sensibilisation auprès de la population des 136 communes concernées. Nous demandons également qu’une étude sociale approfondie soit réalisée. D’autant que le délai d’enquête est extrêmement court, qu’il n’y a pas eu de réunions publiques mais simplement des permanences sur des durées très limitées (quelques heures) dans certaines communes. La population reste largement non informée !
Compte tenu de la prise de conscience écologique des populations et compte tenu des menaces qui pèsent sur notre santé, notre alimentation et notre environnement, nous sommes bien moins catégoriques quant à l’acceptabilité sociale de la filière.

  • 11. Le choix économique.

Le point 2.3.3 Comparaison économique des filières de l’étude d’impact indique que la filière agricole est la moins onéreuse (pour le producteur) à mettre en place. Cela étant dit, on peut se questionner quant à l’impact économique à long terme de ces pratiques qui font voir les territoires ruraux comme de simples exutoires des villes ; annihilant petit à petit l’attractivité modeste de ces derniers qui auraient pourtant mieux à valoriser que de la boue.

En outre, la contamination des boues par des molécules toxiques, comme ce fut le cas en 2006 avec les boues de Strasbourg, contaminées pendant plusieurs mois au Pyralène (PCB), un perturbateur endocrinien, font peser un risque sur la santé et sur l’environnement. On sait par ailleurs désormais, que contrairement à ce qu’affirmait Paracelse : «  c’est la dose qui fait le poison » pour ce qui concerne les perturbateurs endocriniens, le poison ne vient pas de la dose mais de la fréquence d’exposition. Un rapport de 2015 pour le Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism estime à plus de 150 milliards d’euros le coût sanitaire pour l’UE de l’exposition des populations à ces substances, dont environ 45 milliards pour la France. Ce chiffre, à reconsidérer en proportion, suffit à disqualifier l’argument économique. La raison et la précaution imposent alors que le producteur supporte le coût du stockage en centre de décharge ultime.

Conclusion

Compte tenu des éléments à notre disposition et fournis dans ce dossier d’étude, nous sommes très fermement opposés à ce projet. Nous demandons que les boues ne soient pas épandues mais enfouies en centre ultime.

Nous restons à la disposition des commissaires enquêteurs pour tout complément d’information. »